J'ai même rencontré des bluesmen heueux...


MARS 2004

 

Le blues est enfin devenu à la mode...alleluïa !
Après « 2003 année du blues » aux Etats-Unis ( en France on n'en a guère vu la couleur ) 2004 est jalonné par les sorties mensuelles
de l'ambitieuse série de films documentaires produite par Martin Scorcese. Hélas le premier de la série, « The Soul of a Man » de Wim Wenders,
malgré ses qualités, démontre que les clichés et malentendus au sujet du blues ont la peau dure ( et blanche! ).
Les images d'archives sublimes de JB Lenoir et celles très habilement « jouées » de Skip James y sont sans cesse shuntées
avec une absolue vulgarité pour céder la place à des ré-interprétations, présentées comme des améliorations, voire l'accomplissement du blues,
comme si les noirs américains, créateurs originaux du blues avaient été incapables de le faire évoluer jusqu'à ses formes actuelles
et avaient heureusement reçu aide et assistance de "pâles" et ...médiocres épigones ( les Bonnie Raitt, Nick Cave, Lou Reed...).
...Comme quoi, le révisionnisme existe aussi dans l'histoire de la musique et le cinéma en est l'arme absolue.

On se demande d'ailleurs si, mis à part la formidable opération marketing pour les trésors des Majors,
le vrai motif du film n'était pas de recycler ces vieux copains rockers de Wenders à bout de souffle en leur donnant une pseudo-légitimité historique.
Déjà dans « Buena Vista Social Club » l'nsupportable Ry Cooder et Wenders osaient se mettre en valeur comme les bienfaiteurs,
donc les maîtres des maîtres de la musique cubaine. Charité bien ordonnée...
Moralité : rien n'a changé depuis le « revival » des années 1960. Piller le répertoire du blues n'est toujours qu'un « charity business »
lucratif pour les stars du showbiz. Dans cette entreprise de récupération, Wenders a fait très fort :
les images grandiloquentes du satellite de la NASA emportant vers d'éventuels extra-terrestres un disque de Blind Willie Johnson
affichent crûment : « le blues nous appartient, à nous les maîtres de la Terre. » Mais il y a pire...
Larmes de crocodiles

A travers un montage confus et maladroit (avec même des redites mot-à-mot dans le commentaire)
Wenders en fait des tonnes dans la sempiternelle et superficielle commisération à l'égard des bluesmen.
Quand son film larmoyant s'appesantit sur le cancer de Skip James ou l'accident de voiture fatal à JB Lenoir,
on ne peut s'empêcher de penser au « sanglot de l'homme blanc » jadis dénoncé par Pascal Bruckner, et dont le blues est devenu le saint graâl...
Surtout en France où un contresens lexical total a fait du mot « blues » un synonyme de « cafard ».

Où un politicien condamné peut dire sans rire devant les caméras : « j'ai le blues » comme s'il partait enchaîné pour une «county farm» !

La réponse, définitive et magnifique, c'est Skip James qui nous la donne au cœur du film de Wenders,
dans sa plus belle et subversive chanson :
«I'M GLAD» : «JE SUIS CONTENT / ALORS JE SUIS FATIGUE DE GEMIR ET DE PLEURER POUR VOUS».

Au Quai du Blues, leur fréquentation quotidienne depuis dix ans nous a appris que les bluesmen sont avant tout des gens joyeux.
On ne nous fera pas oublier que le blues moderne est né au cirque, dans ces « vaudeville shows »
où les truculentes Ma Rainey et Bessie Smith trémoussaient leur popotin sous leurs extravagants costumes de paillettes et de plumes.

Chaque soirée au Quai du Blues est un hymne à la joie, qui en fait un vrai conservatoire du plaisir musical.
Séchez donc vos larmes, esthètes et prophètes de malheur !

Loin des légendes misérabilistes, venez découvrir chez nous combien le blues est heureux, érotique et enchanteur...
Vérifiez-le ensuite chez vous, grâce à notre nouvelle collection de cds « Live at Quai du Blues ».
Vous verrez vite que les trois premiers artistes, authentiques et flamboyants, auxquels nous rendons hommage
(Holly Maxwell, Martha High, et Big Joe Duskin) n'engendrent pas la mélancolie.(*)

Et comme nous, vous ne direz plus jamais « j'ai le blues », mais « j'aime le blues ».

(*) Collection «Live at Quai du Blues» (3 cds Viper / Austerlitz)



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Gérard Vacher

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